Axe 4 – Penser la ville contemporaine
Responsable :
Emmanuelle Lallement, professeure d’anthropologie, université Paris 8 –
Dans quelle mesure la ville fait-elle société ? S’il n’a jamais été aisé d’appréhender ce qui « fait ville », les bouleversements et mutations des structures urbaines et sociales invitent à penser la ville contemporaine comme objet plus que jamais politique. La mondialisation et les formes de mobilités, les inégalités sociales et spatiales, les mobilisations et leurs formes inédites, sociales mais aussi générationnelles, les transformations des territoires aussi bien pérennes que temporaires, les défis de transition écologique, les enjeux de production et de partage de l’espace public, les opérations de patrimonialisation invitent à questionner les processus de production de la ville.
Cet axe se propose de constituer un observatoire des manières de penser la ville au-delà des disciplines instituées et de leurs paradigmes et d’inventer des méthodologies adaptées à la complexité des dynamiques en présence, aux échelles spatiales et temporelles en mouvement, aux pratiques d’acteurs aux statuts divers. Tout type de recherche est bienvenu. Les projets collaboratifs associant chercheurs et acteurs de terrain dans l’analyse des situations contemporaines sont également encouragés, ainsi que des projets accompagnant la formation à la recherche par la recherche.
Mémoire et territoire : représentations, narrations, patrimonialisations
Axe 4 – Thème A
Responsable :
Celine Barrere, ENSAP Lille –
Dans un contexte de crises multiples – mutations urbaines, accélération des temps sociaux, effets de l’anthropocène, etc. –, les modes de mise en mémoire permettent de comprendre les logiques de production, d’interprétation et de contestation des espaces habités. L’articulation entre mémoire et territoire saisit les processus, les acteurs, les enjeux et les effets d’héritage, notamment dans une perspective décoloniale. La formation des mémoires collectives et individuelles interroge la fabrique des identités et des légitimités, met en perspective les attachements aux lieux comme les valeurs promues ou déqualifiées de manière située et à différentes échelles.
Quatre entrées sont proposées :
- les lieux, acteurs, temps et récits. Les lieux sont à la fois sujets, objets, catalyseurs de mobilisations, dans les discours des différents « faiseurs de ville », habitants inclus : lieux de vie, de travail, de passage. Ils interrogent l’urbanité des centres et des marges, la production de nouvelles géographies et territoires ;
- les acteurs, « entrepreneurs de mémoires » individuels et collectifs, portent des représentations sous des formes diverses (artistique, littéraire, muséographique, archivistique, cinématographique, etc.), faisant émerger des usages sociaux nouveaux ou renouvelés, des modes et des raisons d’agir ;
- les temporalités travaillent la relation au passé de manière non linéaire, aussi bien dans le temps long des cycles mémoriels, les temps plus courts des événements déclencheurs, les rapports entre présent et futur, etc. Les conditions de l’accès au « conservatoire de l’espace » et à la sphère publique peuvent être éclairées ;
- les récits et les discours, constituent des modes d’inscription de soi et des autres. Peuvent être étudiés : les rhétoriques et leurs effets, par exemple celle des « re » à l’œuvre dans les politiques et projets visant à « réenchanter la ville », la « reconquérir » ; les énoncés, les figures spatiales et les imaginaires produits ou mobilisés ; les positions d’énonciation des acteurs, témoins…
Citoyennetés dans la ville
Axe 4 – Thème B
Responsables :
Marion Carrel, université de Lille –
Julien Talpin, CNRS –
L’urbain mondialisé et la reconfiguration des relations entre citoyen·nes et institutions sont au cœur des questionnements de ce thème qui tient compte de la multiplicité des positions, des acteurs et actrices et de la diversification des flux financiers, commerciaux, informationnels, socio-culturels et migratoires. À ce titre, villes, aires urbaines et métropoles sont le laboratoire privilégié des transformations des modes de gouvernement et de leurs contradictions : crise de la représentation, mais recrudescence d’expérimentations citoyennes ; disqualification des marges urbaines et des quartiers populaires ; renforcement de la centralisation par les projets métropolitains ; circulation des savoirs et recherches-actions participatives ; innovations sociales notamment à l’échelle du quartier ou de la ville, à l’intersection de différents enjeux écologiques, ethno-raciaux, de genre, d’inégalités sociales, etc.
Trois dimensions centrales seront explorées de façon privilégiée :
- les inégalités et discriminations socio-spatiales et plus largement de genre, raciales, etc., leurs mesures, leurs interactions et leurs incidences sur la fabrique de la ville ;
- les mobilisations dans la ville, qu’elles émanent de collectifs, d’associations, d’alliances avec des professionnel·les ou des chercheur·es, leurs formes et relations aux institutions, leurs modalités de création et de circulation de savoirs ;
- la régulation institutionnelle des mobilisations et les fabriques politiques de la citoyenneté urbaine : soutien ou répression des associations et collectifs, dispositifs de démocratie participative, etc.
Toutes les échelles et localisations de recherche sont possibles, du moment qu’elles nourrissent la réflexion sur le rôle des territoires dans la fabrication des phénomènes sociaux et politiques.
Logement et habitat : crise et reconfiguration
Axe 4 – Thème C
Responsable :
Anne-Laure Jourdheuil, université Paris Nanterre –
Yankel Fijalkow, ENSA Paris Val de Seine –
Nous vivons un moment de reconfiguration des parcs résidentiels et des modes d’habiter aux différentes échelles de production de la ville. Les discours sur la « crise du logement » ont des conséquences sur la politique de l’habitat mais aussi sur la recherche de « solutions alternatives ». Les visions du futur et les usages de la notion de progrès se télescopent. Les approches pourront se distinguer selon :
- les types de produits : logement social, logement de luxe, logement insalubre ;
- les situations sociales : habitat vulnérable, situation de résistances ou de résilience ;
- les processus inscrits dans des temporalités de « renouveau » : réhabilitation, rénovation, gentrification, paupérisation ;
- les acteurs, notamment les secteurs les plus hybrides entre privé et public, institutionnel ou non ;
- Les mots d’ordre politiques, les récits performatifs et les valeurs mobilisées : proximité, réversibilité… ;
- les formes d’encastrement et de renouvellement des formes d’habitat, des plus institutionnelles aux plus « innovantes » et « affranchies » ;
- les conséquences des évènements comme le confinement lié à la récente pandémie ;
- l’imbrication entre les savoirs experts et les discours savants et le développement de nouveaux récits (écologie, nouvelles technologies…).
Des approches internationales comparatives sur les reconfigurations de l’habitat sont bienvenues.
Ville durable : approches critiques
Axe 4 – Thème D
Responsables :
Boris Lebeau, université Sorbonne Paris Nord –
Nasser Rebaï, université Sorbonne Paris Nord –
Slogan de l’action publique la « transition » renouvelle en profondeur la façon de concevoir la ville autant que les politiques la concernant. Deux sous-thèmes seront particulièrement privilégiés dans l’appel à projets cette année. Le premier concernera les liens entre transition et ville néolibérale, tandis que le second portera sur la transition aux Suds.
- Transition vers la ville dense
La lutte contre l’étalement urbain est à présent au cœur des politiques de transition. Pourtant, depuis la loi SRU, les attentes de l’État en matière de densification semblent suivre des trajectoires contradictoires oscillant entre assouplissant les contraintes règlementaires de l’urbanisme (lois ALUR, ELAN) et tentatives planificatrices (planification écologique, ZAN). Dans bien des agglomérations, l’évaluation des effets de ces évolutions règlementaires (tant sur le plan quantitatif que qualitatif) reste pourtant à conduire, tout comme une réflexion de fond sur l’inclination libérale ou planificatrice des politiques de transition. - Modalités de mise en œuvre et limites des processus de « transition » aux Suds
Comment le thème de la transition permet-il de repenser les cadres de l’action publique dans les villes des Suds ? On pourra par exemple instruire cette question par le prisme du logement ou des transports, ou celui du redéploiement des activités économiques : dans quelle mesure, de nos jours, la production de l’espace urbain dans les Suds répond-elle à des objectifs de justice sociale et environnementale ? Comment les populations sont-elles intégrées dans les prises de décision ?
Le thème de l’agriculture pourra également être saisi : comment l’activité agricole peut-elle constituer un levier pour repenser l’aménagement des villes, des centres aux périphéries, en répondant aux objectifs d’adaptation au changement climatique, de fourniture de denrées alimentaires peu chères, d’inclusion économique des populations et de production de paysages « de qualité » ? Pouvant aboutir à des réflexions multiples, le thème de la transition dans les villes des Suds ne saurait se priver d’intégrer des éléments d’analyse critiques. En effet, le thème en vogue de la « transition » n’est-il pas le prétexte à un repositionnement des pouvoirs publics, visant, entre autres, à capter de nouvelles rentes ? N’est-il pas aussi à envisager comme un « produit marketing » et le support de politiques d’attractivité ?