Appel à communication au colloque expérimental « Le théâtre, un laboratoire comportemental vis-à-vis du changement climatique ? »
Colloque organisé par Eliane Beaufils, Barbara Bonnefoy et Oulmann Zerhouni, à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord, les 21-24 octobre 2020.
Propositions de contribution jusqu’au 3 juillet 2020.
Le point de départ de cette recherche est une étude sur les formes théâtrales qui se confrontent à la catastrophe climatique et à la crise du rapport humain à l’environnement. Elle se focalise plus spécifiquement sur la question de savoir si le théâtre peut contribuer au changement des comportements.
La question pourrait sembler très naïve, au regard des déceptions récurrentes que les divers théâtres qualifiés de politiques au cours du 20e siècle ont réservé à leurs plus ardents défenseurs. Le théâtre brechtien notamment n’était-il pas mû par le désir d’explorer comportements matériels et « comportements de pensée », afin de les réfléchir et de les transformer ? La scène était le lieu d’une « pensée intervenante », dotée d’une influence peu ou prou directe sur les actions des spectateurs. L’idée que la prise de conscience puisse contribuer au changement rapide et décelable des actions individuelles a depuis été déçue, fortement nuancée ou a montré ses limites ; comment notamment évaluer les effets d’un travail artistique ?
Ce n’est donc pas sans un brin de paradoxe et d’utopie que le colloque désirerait entreprendre en octobre l’étude de dispositifs qui tentent d’agir malgré tout. Mais cette question se pose de manière aigüe pour la plupart des chercheurs confrontés au changement climatique qui ne saurait être réduit à un changement politique. Ainsi Carl Lavery intitule son dernier ouvrage collectif : Performance and Ecology : What Can Theater Do ?
Le colloque aimerait étudier en premier lieu les expérimentations théâtrales qui mettent à contribution les savoirs et les corps des spectateurs par-delà leur réflexion, en leur demandant de participer. Cette focale tient d’abord à la difficulté colossale de penser le changement climatique, à l’échec ostensible des voies didactiques extra-théâtrales (appel des chercheurs du GIEC, reportages, etc.) ainsi qu’à la paralysie récurrente observée chez les hommes politiques et les concitoyens désormais informés. Pour étudier la façon dont on pourrait mettre en branle de nouveaux comportements, il semble par ailleurs pertinent de croiser les savoirs du théâtre et ceux des sciences sociales, par exemple de la psychologie sociale et de la géographie, qui constituent les disciplines associées de ce colloque.
Les propositions de contribution pourront s’inspirer des axes et questions suivants :
1/ recherches en performance studies, études théâtrales, histoire de l’art
- quelles sont les spécificités des théâtralités participatives, leurs potentialités, leurs risques et limites, en particulier eu égard au réchauffement climatique ?
- à quelles difficultés (récurrentes) se heurtent des dispositifs politiques ou critiques ?
- quelles expériences participatives ont été réalisées vis-à-vis du réchauffement climatique ? On pourra aussi prendre en considération des travaux qui ne se positionnent pas en premier lieu par rapport au réchauffement, tout en ouvrant sur des comportements futurs : Dying Together de Lotte van den Berg, Pillow Talks de Begüm Erciyas ou 1968, du collectif norvégien by proxy.
2/ croisement interdisciplinaire d’outils méthodologiques
- il convient de mener des réflexions sur l’autopoïèse des spectateurs participants ; sur les concepts de potentia (Spinoza, Deleuze), de pro-activité, de capacité (Cynthia Fleury) ; à leurs fondements ou stimuli, aux formes qu’ils peuvent prendre, à leurs structures ou vecteurs, ce qui permettra de développer des outils d’analyse des dispositifs artistiques.
- il convient de réfléchir à l’inverse aux facteurs inhibant pensée, action ou participation.
- le concept de résonance développé par Lorenz Aggerman (théâtre) et Hartmut Rosa (sociologie) semble susceptible de revêtir des formes multiples durant des performances : il peut se comprendre vis-à-vis d’autres personnes et de l’environnement au sens large. Quelles applications méthodologiques seraient susceptibles d’être développées à partir de ce concept ?
3/ sciences sociales
- il importe de se confronter à des questionnements psychosociaux, ergonomiques ou géographiques qu’il serait intéressant de mener ou de développer au cours d’expériences scéniques
- il serait intéressant d’effectuer un retour analytique sur les expériences artistiques menées vis-à-vis du réchauffement climatique du point de vue des sciences sociales expérimentales. Ces études pourraient comprendre une analyse des expériences effectuées par Yann Calbérac et Michel Lussault en géographie, et par Bruno Latour/ Frédérique Aït-Touati, François Ribac, ou Dominique Bourg en sociologie ou en sciences politiques.
Les divers axes de questionnement donneront lieu à plusieurs tables rondes interdisciplinaires tout au long du colloque.
Les propositions de contribution pourront être envoyées à Eliane Beaufils, Oulmann Zerhouni et Barbara Bonnefoy jusqu’au 3 juillet 2020, accompagnées d’une brève biobibliographie.
La longueur des propositions devra comprendre au moins 300 mots et préciser la nature de la contribution : conférence longue (30 min), conférence brève (15 min) ou participation à une table-ronde.
Les réponses seront envoyées à la mi-juillet.
Les inscriptions aux ateliers seront ouvertes à partir de septembre. Les ateliers seront menés par les artistes et artistes-chercheures Ivana Müller, Halory Goerger, Billinger&Schulz, Flore Garcin-Marrou, Alix de Morant et Chloé Déchery.