
Date limite : 29 avril 2023
Appel à contributions pour les Cahiers des Amériques latines
Au cours des deux premières décennies du XXIe siècle, l’arrivée continue de migrants africains en Amérique latine a nourri les débats gouvernementaux et dessiné les contours de nouveaux phénomènes migratoires, sociaux et culturels dans la région.
Ces nouvelles mobilités transcontinentales et régionales apparaissent dans un contexte Nord-Sud de mise en place de barrières physiques (murs, grillages, barbelés) ou virtuelles (bio-métrisation, instauration des visas, déploiement de patrouilles maritimes). Ces dispositifs d’endiguement, qui ne cessent d’entraver les circulations de ceux qui sont considérés comme des indésirables, ont non seulement pour effet de créer de nouveaux itinéraires mais aussi de renforcer l’influence des intermédiaires dénoncés comme passeurs et de rendre les passages de frontières de plus en plus périlleux. C’est dans ce contexte répressif mais aussi dans celui d’accélération de la mondialisation des Suds que l’Amérique latine apparaît sur la feuille de route des migrants africains.
Des pays comme l’Argentine ou le Brésil voient des installations durables d’immigrés africains de diverses origines qui s’insèrent dans la vie quotidienne des grandes villes telles que Buenos Aires et Sao Paulo, des installations qui par ailleurs interrogent les politiques d’accueil et les modèles migratoires régionaux. Plus au nord du continent, les migrants africains expérimentent de manière accrue depuis le début des années 2000 des situations de transit, de mobilité mais aussi d’immobilité, aussi bien dans des espaces complexes comme la forêt dense du Darien – obstacle naturel à la continuité territoriale des Amériques – que dans les régions rurales et frontalières de l’Amérique centrale.
Ces parcours, qui s’effectuent sur des distances très longues et sur des routes multiples, combinent des séjours, des stratégies et des temporalités diverses. De l’Amérique du Sud jusqu’au Mexique, ces itinéraires composites empruntent les couloirs andins, atlantiques et mésoaméricains pour viser in fine les Etats-Unis, le Canada, ou encore des pays d’Europe et d’Asie.
Ces migrations réinterrogent les politiques migratoires en générant de nouveaux processus de contrôle et d’externalisation des frontières, tout comme elles redéfinissent les frontières ethniques, les dynamiques de solidarité, les questions de racialisation et de racisme. Ces nouvelles présences renouvellent par ailleurs le lien que ces régions entretiennent avec les mémoires historiques, avec l’identité, mais aussi avec le déni de l’héritage africain, des formes d’ethnocide et de discrimination vécues par les populations afro-descendantes.
Ces processus ont attiré l’attention des chercheurs de la région qui ont produit un vaste ensemble de recherches qualitatives et quantitatives contribuant à rendre visible ce phénomène ainsi que ses conséquences et sa portée.
Sous l’angle de la fluidité des circulations et des installations mais aussi des contraintes et des conflits qui structurent cette problématique, le dossier accueillera avec grand intérêt des articles originaux qui analyseront les migrations africaines contemporaines en Amérique latine à partir de deux axes spécifiques :
• Diversités, cultures, identités, expériences d’accueil et de discrimination dans les Amériques : Au cours de leurs expériences migratoires sur le continent américain, les migrants africains concentrent sur leurs personnes toute une palette d’idées reçues qui sont à la fois le produit d’un héritage de l’esclavage et des images postcoloniales qui se polarisent sur la problématique du sous-développement et de la pauvreté. En dépit des stéréotypes et des discriminations qui rangent les migrants africains du côté des fractions les plus précarisées et stigmatisées des classes populaires, des liens sociaux se forgent entre ces nouveaux venus et les populations latino-américaines. Le partage de l’espace public avec d’autres groupes impulse des solidarités de type cosmopolite, des branchements culturels, des mouvements sociaux et redéfinit des identités qu’il faut désormais envisager sous l’angle de la fluidité. Que ce soit autour de l’intimité, de l’africanité ou du religieux, ces liens participent de recompositions identitaires dans la société dans laquelle s’inscrivent ces trajectoires migratoires. Ni monolithique, ni exclusive, l’altérité constitue bien souvent pour les migrants une ressource matérielle et immatérielle en faisant par exemple de l’africanité un débouché commercial et artistique. Ce dossier accueillera avec grand intérêt des contributions qui aborderont la question migratoire africaine à l’aune de l’oscillation entre assignation raciale et construction de liens cosmopolites. Dans ce cadre, une attention particulière sera accordée aux rapports sociaux qui découlent de ces interactions et notamment au sens qu’elles revêtent dans un contexte de présences afro-descendantes et de diversité ethnique.
• Itinéraires, transits, réseaux, mobilités et routes migratoires dans les Amériques : Cet axe accueillera des travaux qui analysent de manière critique la complexité et l’hétérogénéité qui caractérisent les trajectoires migratoires africaines en Amérique latine. Il s’agit d’envisager les réseaux migratoires comme des leviers qui visent à mobiliser des ressources aussi bien pour le transport que pour l’insertion des migrants dans des contextes d’accueil différenciés. Appréhender la complexité de ces migrations revient à les saisir aussi bien en termes de conflits, d’inégalités entre les acteurs qu’à travers le prisme des stratégies de coopération et de solidarité au sein desquelles les réseaux sociaux jouent un grand rôle. Dans cette perspective, les approches qui mettent l’accent sur les nouvelles formes de contrôle et sur les dispositifs d’entrave à la mobilité structurant les itinéraires migratoires africains dans la région seront bienvenues.
Compte tenu de la tension qui se manifeste tout au long de la route entre les politiques de contrôle migratoire et les stratégies de contournement utilisées par les migrants, les approches qui aborderont cette route migratoire sous l’angle du couple ambigu mobilité/immobilité seront particulièrement appréciées. Dans cette optique, nous examinerons avec la plus grande attention les contributions qui traiteront des effets des politiques d’externalisation des frontières sur la délimitation des routes suivies par les différents groupes d’Africains. Conçues au départ comme des espaces de transit, ces régions tendent à devenir des points d’ancrage et des lieux d’installation prolongés sous l’effet des politiques de contention.
Cet axe abordera également les liens entre les expériences de travail et les expériences de mobilité ainsi que leurs effets sur les itinéraires migratoires. Les inégalités d’accès aux marchés du travail latino-américains sont en effet étroitement liées aux différentes formes de mobilité qui peuvent fabriquer des trajectoires professionnelles précaires mais aussi donner lieu à des stratégies de résistance aux contraintes qui visent à améliorer les conditions de vie.
Coordination
- Dr. Guillermo A. Navarro Alvarado, Universidad de Costa Rica
https://orcid.org/0000-0001-6459-7262
Docteur en études ethniques et africaines de l’Université fédérale de Bahia-Brésil (2018) et licencié en sociologie de l’Université du Costa Rica (2013).
Actuellement coordinateur de la Chaire d’études africaines et caribéennes, Guillermo A. Navarro Alvarado est enseignant à l’École de sociologie et chercheur à l’Institut de recherche sociale de l’Université du Costa Rica. Ses travaux ont été publiés dans le champ d’études critiques du racisme mais aussi dans celui des études africanistes, caribéennes et brésiliennes, du racisme, africain, antillais et brésilien, et sur divers sujets : Histoire du panafricanisme, migrations africaines contemporaines, racisme et cultures populaires. Ses domaines de recherche portent sur l’l’histoire du panafricanisme, les migrations africaines contemporaines en Amérique latine ainsi que les relations ethnico-raciales au Costa Rica.
- Dra. Luz Espiro, Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas (CONICET), Universidad Nacional de La Plata, Argentina
https://conicet-ar.academia.edu/LuzEspiro/Papers
https://www.conicet.gov.ar/new_scp/detalle.php?keywords=&id=61386&datos_academicos=yes
Luz Espiro est actuellement chercheuse postdoctorale au Conseil national de la recherche scientifique et technique d’Argentine, et rattachée à l’Université nationale de La Plata. Elle enseigne l’ethnographie à l’Université de San Andrés mais aussi dans le Master « Travail social international auprès des réfugiés et des migrants » de l’Université des sciences appliquées de Würzburg-Schweinfurt (Allemagne) en tant que professeure invitée. Ses axes de recherche abordent les études migratoires et plus particulièrement les migrations africaines vers le Cône Sud à l’aune du travail, du transnationalisme, du genre ou encore des méthodologies visuelles. Luz Espiro compte des publications scientifiques dans des revues nationales et internationales et des collaborations dans des médias nationaux et internationaux. Elle est membre des archives audiovisuelles de l’Observatoire du Sud qui organise chaque année le Festival international du film africain d’Argentine (FICA).
- Dr. Régis Minvielle, Institut de recherche pour le développement, France
Régis Minvielle est socio-anthropologue au LPED (Laboratoire Population Environnement Développement) et rattaché à IRD (Institut de Recherche pour le Développement). Longtemps intéressé par la circulation des hommes et des femmes entre les deux rives du Sahara, il consacre désormais ses travaux aux dimensions sociales et identitaires des itinéraires africains en Amérique du Sud.
Nouvelle date limite : 29 avril 2023
L’appel est aussi disponible en anglais, espagnol et portugais sous ce lien :
https://journals.openedition.org/cal/2504
Recommandations aux auteurs :
https://journals.openedition.org/cal/2324#tocto2n2
Les Cahiers des Amériques latines reçoivent également, pendant toute l’année, des propositions pour la section Varia :
https://ojs.openedition.org/index.php/cal